jeudi 13 janvier 2011

MR 5ème4

Quand reviendra l’automne avec les feuilles mortes
Qui couvriront l’étang du moulin ruiné,
Quand le vent remplira le trou béant des portes
Et l’inutile espace où la meule a tourné,
Je veux aller encor m’asseoir sur cette borne,
Contre le mur tissé d’un vieux lierre vermeil,
Et regarder longtemps dans l’eau glacée et morne
S’éteindre mon image et le pâle soleil.

vendredi 7 janvier 2011

AM et LD 5°4

« Madame, je vous donne... »

Isaac de Benserade

Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
Duquel on ne saurait estimer la valeur ;
S’il vous vient quelque ennui, maladie ou douleur,
Il vous rendra soudain à votre aise et bien saine.

Il n’est mal d’estomac, colique ni migraine
Qu’il ne puisse guérir, mais surtout il a l’heur
Que contre l’accident de la pâle couleur
Il porte avecque soi la drogue souveraine.

Une dame le vit dans ma main, l’autre jour
Qui me dit que c’était un perroquet d’amour,
Et dès lors m’en offrit bon nombre de monnoie ;

Des autres perroquets il diffère pourtant :
Car eux fuient la cage, et lui, il l’aime tant
Qu’il n’y est jamais mis qu’il n’en pleure de joie

BV et FG 5è4

Paul Verlaine
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

- Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

EL et MH 5°4

Le paresseux

Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

Là, sans me soucier des guerres d’Italie,

Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.

Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,

Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s’en enfler ma bedaine,

Et hais tant le travail, que, les yeux entrouverts,

Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t’écrire ces vers.

De Marc-Antoine de Saint Amant.

« Un rêve de bonheur... »

François Coppée
 
Un rêve de bonheur qui souvent m’accompagne,
C’est d’avoir un logis donnant sur la campagne,
Près des toits, tout au bout du faubourg prolongé,
Où je vivrais ainsi qu’un ouvrier rangé.
C’est là, me semble-t-il, qu’on ferait un bon livre.
En hiver, l’horizon des coteaux blancs de givre ;
En été, le grand ciel et l’air qui sent les bois ;
Et les rares amis, qui viendraient quelquefois
Pour me voir, de très loin, pourraient me reconnaître,
Jouant du flageolet, assis à ma fenêtre.

EP 5'4

Parfum exotique

Charles Baudelaire
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne,
Je respire l’odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone ;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l’air et m’enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

AG 5eme4

Il est une liqueur, au poète plus chère,
Qui manquait à Virgile, et qu’adorait Voltaire ;
C’est toi, divin café, dont l’aimable liqueur
Sans altérer la tête épanouit le cœur.
Aussi, quand mon palais est émoussé par l’âge,
Avec plaisir encor je goûte ton breuvage.
Que j’aime à préparer ton nectar précieux !
Nul n’usurpe chez moi ce soin délicieux.
Sur le réchaud brûlant moi seul tournant ta graine,
À l’or de ta couleur fais succéder l’ébène ;
Moi seul contre la noix, qu’arment ses dents de fer,
Je fais, en le broyant, crier ton fruit amer,
Charmé de ton parfum, c’est moi seul qui dans l’onde
Infuse à mon foyer ta poussière féconde ;
Qui, tour à tour calmant, excitant tes bouillons,
Suis d’un œil attentif tes légers tourbillons.
Enfin, de ta liqueur lentement reposée,
Dans le vase fumant la lie est déposée ;
Ma coupe, ton nectar, le miel américain,
Que du suc des roseaux exprima l’Africain,
Tout est prêt : du Japon l’émail reçoit tes ondes,
Et seul tu réunis les tributs des deux mondes.
Viens donc, divin nectar, viens donc, inspire-moi.
Je ne veux qu’un désert, mon Antigone et toi.
À peine j’ai senti ta vapeur odorante,
Soudain de ton climat la chaleur pénétrante
Réveille tous mes sens ; sans trouble, sans chaos,
Mes pensers plus nombreux accourent à grands flots.
Mon idée était triste, aride, dépouillée ;
Elle rit, elle sort richement habillée,
Et je crois, du génie éprouvant le réveil,
Boire dans chaque goutte un rayon de soleil.

BV et FG 5è4

Paul-Jean Toulet
J’ai vu le Diable, l’autre nuit ;
Et, dessous sa pelure,
Il n’est pas aisé de conclure
S’il faut dire : Elle, ou : Lui.

Sa gorge, - avait l’air sous la faille,
De trembler de désir :
Tel, aux mains près de le saisir,
Un bel oiseau défaille.

Telle, à la soif, dans Blidah bleu,
S’offre la pomme douce ;
Ou bien l’orange, sous la mousse,
Lorsque tout bas il pleut.

- « Ah ! » dit Satan, et le silence
Frémissait à sa voix,
« Ils ne tombent pas tous, tu vois,
Les fruits de la Science ».

EP et AG 5'4

Le mousse

Tristan Corbière
Mousse : il est donc marin, ton père ?...
- Pêcheur. Perdu depuis longtemps.
                               En découchant d’avec ma mère,
                               Il a couché dans les brisants...

                               Maman lui garde au cimetière
                               Une tombe - et rien dedans -                           
                               C’est moi son mari sur la terre,
                               Pour gagner du pain aux enfants.

                               Deux petits. - Alors, sur la plage,
                               Rien n’est revenu du naufrage ?...
                             - Son garde-pipe et son sabot...

                              La mère pleure, le dimanche,
                             Pour repos... Moi, j’ai ma revanche
                            Quand je serai grand - matelot ! -
                            Baie des Trépassés

NG et LS 5e4

Sur la mort d'une jeune fille

Son âge échappait à l’enfance ;
Riante comme l’innocence,
Elle avait les traits de l’Amour.
Quelques mois, quelques jours encore,
Dans ce cœur pur et sans détour
Le sentiment allait éclore.
Mais le ciel avait au trépas
Condamné ses jeunes appas.
Au ciel elle a rendu sa vie,
Et doucement s’est endormie
Sans murmurer contre ses lois.
Ainsi le sourire s’efface ;
Ainsi meurt, sans laisser de trace,
Le chant d’un oiseau dans le bois.

DP 5°4

 La vie est plus vaine une image... »

Paul-Jean Toulet
La vie est plus vaine une image
Que l’ombre sur le mur.
Pourtant l’hiéroglyphe obscur
Qu’y trace ton passage

M’enchante, et ton rire pareil
Au vif éclat des armes ;
Et jusqu’à ces menteuses larmes
Qui miraient le soleil.

Mourir non plus n’est ombre vaine.
La nuit, quand tu as peur,
N’écoute pas battre ton cœur :
C’est une étrange peine.

TE 5°4

Les cheveux

Remy de Gourmont
Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.

Tu sens le foin, tu sens la pierre
Où des bêtes se sont posées ;
Tu sens le cuir, tu sens le blé,
Quand il vient d’être vanné ;
Tu sens le bois, tu sens le pain
Qu’on apporte le matin ;
Tu sens les fleurs qui ont poussé
Le long d’un mur abandonné ;
Tu sens la ronce, tu sens le lierre
Qui a été lavé par la pluie ;
Tu sens le jonc et la fougère
Qu’on fauche à la tombée de la nuit ;
Tu sens le houx, tu sens la mousse,
Tu sens l’herbe mourante et rousse
Qui s’égrène à l’ombre des haies ;
Tu sens l’ortie et le genêt,
Tu sens le trèfle, tu sens le lait ;
Tu sens le fenouil et l’anis ;
Tu sens les noix, tu sens les fruits
Qui sont bien mûrs et que l’on cueille ;
Tu sens le saule et le tilleul
Quand ils ont des fleurs plein les feuilles ;
Tu sens le miel, tu sens la vie
Qui se promène dans les prairies ;
Tu sens la terre et la rivière ;
Tu sens l’amour, tu sens le feu.

Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.

AM 5°4

Côte d’Azur - Nice

Henry Levey

À Francis Jourdain.
L’Écosse s’est voilée de ses brumes classiques,
Nos plages et nos lacs sont abandonnés ;
Novembre, tribunal suprême des phtisiques,
M’exile sur les bords de la Méditerranée...

J’aurai un fauteuil roulant « plein d’odeurs légères »
Que poussera lentement un valet bien stylé
Un soleil doux vernira mes heures dernières,
Cet hiver, sur la Promenade des Anglais...

Pendant que Jane, qui est maintenant la compagne
D’un sain et farouche éleveur de moutons
Émaille de sa grâce une prairie australe
De plus de quarante milles carrés, me dit-on,

Et quand le sang pâle et froid de mon crépuscule
Aura terni le flot méditerranéen,
Là-bas, dans la Nouvelle Galles du Sud,
L’aube d’un jour d’été l’éveillera... C’est bien !..

PG 5°4

Beau papillon près du sol,
à l’attentive nature
montrant les enluminures
de son livre de vol.

Un autre se ferme au bord
de la fleur qu’on respire - :
ce n’est pas le moment de lire.
Et tant d’autres encor,

de menus bleus, s’éparpillent,
flottant et voletants,
comme de bleues brindilles
d’une lettre d’amour au vent,

d’une lettre déchirée
qu’on était en train de faire
pendant que la destinataire
hésitait à l’entrée.

LD et AM 5°4

« Beau papillon près du sol... »

Rainer Maria Rilke
Beau papillon près du sol,
à l’attentive nature
montrant les enluminures
de son livre de vol.

Un autre se ferme au bord
de la fleur qu’on respire - :
ce n’est pas le moment de lire.
Et tant d’autres encor,

de menus bleus, s’éparpillent,
flottant et voletants,
comme de bleues brindilles
d’une lettre d’amour au vent,

d’une lettre déchirée
qu’on était en train de faire
pendant que la destinataire
hésitait à l’entrée.

BM 5°4

Alfred de Musset pointillés

Sonnet : « Que j’aime le premier frisson d’hiver... »

Alfred de Musset

Que j’aime le premier frisson d’hiver ! le chaume,
Sous le pied du chasseur, refusant de ployer !
Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume,
Au fond du vieux château s’éveille le foyer ;

C’est le temps de la ville. - Oh ! lorsque l’an dernier,
J’y revins, que je vis ce bon Louvre et son dôme,
Paris et sa fumée, et tout ce beau royaume  
(J’entends encore au vent les postillons crier),

Que j’aimais ce temps gris, ces passants, et la Seine
Sous ses mille falots assise en souveraine !
J’allais revoir l’hiver. - Et toi, ma vie, et toi !

Oh ! dans tes longs regards j’allais tremper mon âme ;
Je saluais tes murs. - Car, qui m’eût dit, madame,
Que votre coeur si tôt avait changé pour moi ?

MC 5 4

  Je mourrais de plaisir voyant par ces bocages
Les arbres enlacés de lierres épars,
Et la lambruche errante en mille et mille parts
Ès aubépins fleuris près des roses sauvages.

Je mourrais de plaisir oyant les doux langages
Des huppes, et coucous, et des ramiers rouards
Sur le haut d’un futeau bec en bec frétillards,
Et des tourtres aussi voyant les mariages.

Je mourrais de plaisir voyant en ces beaux mois
Sortir de bon matin les chevreuils hors des bois,
Et de voir frétiller dans le ciel l’alouette.

Je mourrais de plaisir, où je meurs de souci,
Ne voyant point les yeux d’une que je souhaite
Seule, une heure en mes bras en ce bocage ici.

TB 5°4

« La lune blanche... »

Paul Verlaine
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...

Ô bien-aimée.

L’étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...

Rêvons, c’est l’heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l’astre irise...

C’est l’heure exquise.

NL 5°4

« Tu es, Miroir... »

Maurice Scève

Tu es, Miroir, au clou toujours pendant,
Pour son image en ton jour recevoir :
Et mon cœur est auprès d’elle attendant,
Qu’elle le veuille au moins, apercevoir.
Elle souvent - ô heureux ! - te vient voir,
Te découvrant secrète, et digne chose,
Où regarder ne le daigne, et si ose
Ouïr ses pleurs, ses plaints, et leur séquelle.
Mais toute dame en toi peut être enclose,
Où dedans lui autre entrer n’y peut, qu’elle.

NG et LS 5e4

 

 De sa grande amie

Dedans Paris, ville jolie,
Un jour, passant mélancolie,
Je pris alliance nouvelle
À la plus gaie demoiselle
Qui soit d’ici en Italie.
D’honnêteté elle est saisie,
Et crois (selon ma fantaisie)
Qu’il n’en est guère de plus belle
Dedans Paris.
Je ne la vous nommerai mie,
Sinon que c’est ma grande amie ;
Car l’alliance se fit telle
Par un doux baiser que j’eus d’elle,
Sans penser aucune infamie,
Dedans Paris.

CL et JB 5eme4

« Beau papillon près du sol... »

Rainer Maria Rilke
 
Beau papillon près du sol,
à l’attentive nature
montrant les enluminures
de son livre de vol.

Un autre se ferme au bord
de la fleur qu’on respire - :
ce n’est pas le moment de lire.
Et tant d’autres encor,

de menus bleus, s’éparpillent,
flottant et voletants,
comme de bleues brindilles
d’une lettre d’amour au vent,

d’une lettre déchirée
qu’on était en train de faire
pendant que la destinataire
hésitait à l’entrée.

CB 5°4

« La vie est plus vaine une image... »

Paul-Jean Toulet


La vie est plus vaine une image
Que l’ombre sur le mur.
Pourtant l’hiéroglyphe obscur
Qu’y trace ton passage

M’enchante, et ton rire pareil
Au vif éclat des armes ;
Et jusqu’à ces menteuses larmes
Qui miraient le soleil.

Mourir non plus n’est ombre vaine.
La nuit, quand tu as peur,
N’écoute pas battre ton cœur :
C’est une étrange peine.

AT 5e 4

Cuisson du pain
Émile Verhaeren
Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,
Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,
Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,
La sueur les mouillant et coulant au pétrin.

Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte,
Leur gorge remuait dans les corsages pleins.
Leurs deux doigts monstrueux pataugeaient dans la pâte
Et la moulaient en ronds comme la chair des seins.

Le bois brûlé se fendillait en braises rouges
Et deux par deux, du bout d’une planche, les gouges
Dans le ventre des fours engouffraient les pains mous.

Et les flammes, par les gueules s’ouvrant passage,
Comme une meute énorme et chaude de chiens roux,
Sautaient en rugissant leur mordre le visage.

CL et JB 5eme4

« Quand reviendra l’automne... »

Jean Moréas
 
Quand reviendra l’automne avec les feuilles mortes
Qui couvriront l’étang du moulin ruiné,
Quand le vent remplira le trou béant des portes
Et l’inutile espace où la meule a tourné,
Je veux aller encor m’asseoir sur cette borne,
Contre le mur tissé d’un vieux lierre vermeil,
Et regarder longtemps dans l’eau glacée et morne
S’éteindre mon image et le pâle soleil.