mardi 1 février 2011

OB 5ème 3

Tu me dis que l’amour est toujours en enfance,
Qu’il se plaît, comme enfant, à mille petits jeux,
Et s’il blesse quelqu’un se jouant de ses feux,
Que le mal qu’il lui fait vient de son ignorance.

Qu’aveugle est cet archer qui n’a pas connaissance
Où frapperont ses traits qui sont si dangereux :
Et si pour son sujet quelqu’un est malheureux,
Tu m’assures que c’est une pure innocence. 

S’il est vrai que l’amour ne t’est pas inconnu,
Qu’il est un imbécile, et qu’il va toujours nu,
Innocent, dépouillé de malice et de ruse :

N’ai-je point de raison, quand le mal que je sens
Me fait dire, qu’Hérode aurait eu quelque excuse,
S’il eut tué l’amour avec les Innocents.

YG 5eme3

« Tu es, Miroir... »

Maurice Scève

Tu es, Miroir, au clou toujours pendant,
Pour son image en ton jour recevoir :
Et mon cœur est auprès d’elle attendant,
Qu’elle le veuille au moins, apercevoir.
Elle souvent - ô heureux ! - te vient voir,
Te découvrant secrète, et digne chose,
Où regarder ne le daigne, et si ose
Ouïr ses pleurs, ses plaints, et leur séquelle.
Mais toute dame en toi peut être enclose,
Où dedans lui autre entrer n’y peut, qu’elle.

Mr FS 5 3

Beau papillon près du sol,
à l’attentive nature
montrant les enluminures
de son livre de vol.

Un autre se ferme au bord
de la fleur qu’on respire - :
ce n’est pas le moment de lire.
Et tant d’autres encore,

de menus bleus, s’éparpillent,
flottant et voletants,
comme de bleues brindilles
d’une lettre d’amour au vent,

d’une lettre déchirée
qu’on était en train de faire
pendant que la destinataire
hésitait à l’entrée.

TB 5ème3

Paul-Jean Toulet
Dans le lit vaste et dévasté
J’ouvre les yeux près d’elle ;
Je l’effleure : un songe infidèle
L’embrasse à mon côté.

Une lueur tranchante et mince
Échancre mon plafond,
Très loin, sur le pavé profond,
J’entends un seau qui grince...

La chambrée de nuit

Arthur Rimbaud
« RÊVE »

On a faim dans la chambrée -
C’est vrai...
Émanations, explosions,
Un génie : Je suis le gruère !
Lefèbvre : Keller !
Le génie : Je suis le Brie !
Les soldats coupent sur leur pain :
C’est la vie !
Le génie : - Je suis le Roquefort !
- Ça s’ra not’ mort...
- Je suis le gruère
Et le brie... etc...

VALSE

On nous a joints, Lefebvre et moi... etc...

AB 5éme3

 Le paresseux


Marc-Antoine de Saint-Amant
Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

Là, sans me soucier des guerres d’Italie,
Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.

Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s’en enfler ma bedaine,

Et hais tant le travail, que, les yeux entrouverts,
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t’écrire ces vers.

SB 5°3

Je mourrais de plaisir voyant par ces bocages
Les arbres enlacés de lierres épars,
Et la lambruche errante en mille et mille parts
Ès aubépins fleuris près des roses sauvages.

Je mourrais de plaisir oyant les doux langages
Des huppes, et coucous, et des ramiers rouards
Sur le haut d’un futeau bec en bec frétillards,
Et des tourtres aussi voyant les mariages.

Je mourrais de plaisir voyant en ces beaux mois
Sortir de bon matin les chevreuils hors des bois,
Et de voir frétiller dans le ciel l’alouette.

Je mourrais de plaisir, où je meurs de souci,
Ne voyant point les yeux d’une que je souhaite
Seule, une heure en mes bras en ce bocage ici.

MM 5ème3

Si c’est un crime que l’aimer
L’on n’en doit justement blâmer
Que les beautés qui sont en elle,
 La faute en est aux dieux
Qui la firent si belle :
Mais non pas à mes yeux.

Car elle rend par sa beauté
Les regards, et la liberté
Incomparables devant elle.
La faute en est aux dieux
Qui la firent si belle :
Mais non pas à mes yeux.

Je suis coupable seulement
D’avoir beaucoup de jugement
Ayant beaucoup d’amour pour elle.
La faute en est aux dieux
Qui la firent si belle :
Mais non pas à mes yeux.

Qu’on accuse donc leur pouvoir,
Je ne puis vivre sans la voir,
Ni la voir sans mourir pour elle.
La faute en est aux dieux
Qui la firent si belle :
Mais non pas à mes yeux.

TD 5°3

Vous qui vivez à présent en ce monde
Et qui vivez souverains en vertu,
Vous est-il point de la mort souvenu ?
Vos pères sont en la fosse parfonde
Mangés des vers, sans lance et sans écu,
Vous qui vivez à présent en ce monde
Et qui régnez souverains en vertu.

Avisez-y et menez vie ronde,

Car en vivant serez froid et charnu,
Car en la fin mourrez dolent et nu.
Vous qui vivez à présent en ce monde
Et qui régnez souverains en vertu
Vous est-il point de la mort souvenu ?

NJ 5ème 3

Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre

Jean de La Fontaine

Chacun se trompe ici-bas :
On voit courir après l’ombre
Tant de fous, qu’on n’en sait pas
La plupart du temps le nombre.
Au Chien dont parle Ésope il faut les renvoyer.
Ce Chien, voyant sa proie en l’eau représentée,
La quitta pour l’image, et pensa se noyer ;
La rivière devint tout d’un coup agitée.
À toute peine il regagna les bords,
Et n’eut ni l’ombre ni le corps.

SL 5°3

« Tant je l’aimai... »

Maurice Scève

Tant je l’aimai, qu’en elle encor je vis :
Et tant la vis, que, malgré moi, je l’aime.
Le sens, et l’âme y furent tant ravis,
Que par l’Œil faut que le cœur la désaime.
Est-il possible en ce degré suprême
Que fermeté son outrepas révoque ?
Tant fut la flamme en nous deux réciproque,
Que mon feu luit, quand le sien clair m’appert.
Mourant le sien, le mien tôt se suffoque.
Et ainsi elle, en se perdant, me perd.

OM 5°3

Beau papillon près du sol,
à l’attentive nature
montrant les enluminures
de son livre de vol.

Un autre se ferme au bord
de la fleur qu’on respire - :
ce n’est pas le moment de lire.
Et tant d’autres encor,

de menus bleus, s’éparpillent,
flottant et voletants,
comme de bleues brindilles
d’une lettre d’amour au vent,

d’une lettre déchirée
qu’on était en train de faire
pendant que la destinataire
hésitait à l’entrée.

CT 5e3

« Je maudis l’heure... »

Guillaume de Machaut
Je maudis l’heure et le temps et le jour,
La semaine, le lieu, le mois, l’année
Et les deux yeux dont je vis la douceur
De ma dame, qui ma joie a finée.
Et si maudis mon cœur et ma pensée,
Ma loyauté, mon désir et m’amour
Et le danger qui fait languir en pleur
Mon dolent cœur en étrange contrée.
Et si maudis l’accueil, l’attrait, l’atour
Et le regard dont l’amour engendrée
Fut en mon cœur, qui le tient en ardeur,
Et si maudis l’heure qu’elle fut née,
Son faux-semblant, sa fausseté prouvée,
Son grand orgueil, sa durté où tendreur
N’a ni pitié, qui tient en tel langueur
Mon dolent cœur en étrange contrée.
Et si maudis Fortune et son faux tour,
La planète, l’heur, la destinée
Qui mon fol cœur mirent en telle erreur
Qu’oncques de moi fut servie n’aimée.
Mais je prie Dieu qu’il gard sa renommée
Son bien, sa paix, et lui accroisse honneur,
Et lui pardonn’ ce qu’occit à douleur
Mon dolent cœur en étrange contrée.

LB 5è3

La Colombe poignardée

Jules Lefèvre-Deumier

Il existe un oiseau, dont le pâle plumage,
Des forêts du tropique étonne la gaieté ;
Seul sur son arbre en deuil, les pleurs de son ramage
Font gémir de la nuit le silence attristé.

Le chœur ailé des airs, loin de lui rendre hommage,
Insulte, en le fuyant, à sa fatalité ;
Lui-même se fuirait, en voyant son image :
Poignardé de naissance, il naît ensanglanté.

Et le poète aussi, merveilleuse victime,
Qui mêle de son sang dans tout ce qu’il anime,
Arrive dans ce monde, un glaive dans le cœur ;

Et l’on n’a point encore inventé de baptême,
Qui puisse en effacer le stigmate vainqueur :
Cette tache de mort, c’est son âme elle-même.